Le Sommaire

                                                                Gustave Courbet, autoportrait

Sommaire.

Introduction

« La Raison, c'est la folie du plus fort. La raison du moins fort c'est la folie »
                                                                                      Eugène Ionesco.

Existe t'il des civilisations ou des sociétés, même première, sans fous ? On peut gager que non. En effet, la folie n'existe que par rapport à elles, c'est un fait de civilisation.
La folie désigne, en langage populaire, l'état d'une personne dont le discours, le comportement et/ou les actions ne semblent avoir aucun sens pour l'observateur. Par conséquent, on peut considérer que la vision des fous a évolué au fil des temps, en même temps que notre société.
Aujourd'hui, on considère que la folie concerne les gens victimes d'un « Dérèglement mental », et que c'est une maladie en tant que telle. Cependant cela n'a pas toujours été le cas. Pour en arriver là, il a fallu faire beaucoup de chemin, puisque on a longtemps cru à des punitions divines.
Pour l'homme primitif, la folie est provoquée par des êtres surnaturels invisibles : des mauvais esprits, qui auraient pris possession de la personne. Le comportement anormal du malade s'explique par un sort magique lancé par une tribu adverse. On la guérissait grâce à des incantations, des prières, des menaces contre le démon. 
Plus tard, dans l’antiquité, Pythagore, a été le premier à dire que le cerveau est l’organe de l’intelligence humaine et le siège des maladies mentales. Puis Platon affirme que le principe vital du corps est l’âme. Le conflit existant entre les appétits inférieurs, désordonnés, et les fonctions organisatrices supérieures de la raison, constitue le fondement de la psychologie platonicienne. Cependant, leurs observations s’arrêtent où commence le domaine réservé à la religion. En effet, la folie est toujours imputée aux dieux. Pour les soigner, on les menait au temple, leur prescrivait des saignées, des sangsues, de la racine d'ellébore ( plante herbacée, vermifuge et purgative, qui passait autrefois pour guérir la folie ). Les hébreux apportent une conception religieuse monothéiste, s'inscrivant contre le polythéisme et la magie. La maladie est pour eux la punition des péchés, Bible Deutéronome 28.28 : « Yahvé te frappera de délire, d'aveuglement et d'égarement des sens, au point que tu iras à tâtons en plein midi comme l'aveugle va à tâtons dans les ténèbres, et tes démarches n'aboutiront pas », les prêtres apparaissent ainsi comme des guérisseurs. Cicéron, au Ier siècle avant Jésus Christ, est peut-être le seul auteur de l’Antiquité à avoir exprimé que l’homme est seul responsable de son propre comportement, qu’il soit normal ou morbide. Pour lui, ce n’est pas un dieu qui brouille l’esprit et apporte la maladie, mais bien l’erreur de l’homme lui-même et dont seule la philosophie peut le sauver. 
Puis, au Moyen-âge, viennent les invasions barbares, les problèmes de famines et d’épidémie de peste, l’insécurité généralisée, et bien d’autres malheurs qui ont poussé les hommes à rechercher un réconfort dans les croyances surnaturelles. Le christianisme apporte à l’humanité le message d’espoir qu’elle attendait, et le dogme chrétien prédomine dans tous les domaines de la vie. Mais, au fil des siècles, alors que s’impose le dogmatisme chrétien, se développent la démonologie et l’exorcisme. « Le fou est celui qui dit en son cœur que Dieu n’existe pas », dit le Psaume 53. Le fou, c’est donc l’athée. On finit alors par expliquer les maladies mentales par une possession démoniaque, une manifestation du péché, de l'hérésie et on les envoie au bûcher : « Le diable peut arrêter complètement l’usage de la raison en troublant l’imagination et l’appétit sensible, comme cela se voit chez les possédés », dit saint Thomas d’Aquin. C’est à cette période que se produit l’amalgame entre sorciers, hérétiques et malades mentaux. Dès le XIème siècle, les « sorcières » sont brûlées vives, accusées de rechercher un commerce avec le diable. Or ces prétendues sorcières sont souvent des patientes psychiques, ou du moins des personnes à l’esprit perturbé. Muriel Laharie, auteur française qui a écrit un livre documenté sur la folie au Moyen Âge en dit : « Leurs transes, leurs expériences oniriques et leurs hallucinations (favorisées parfois par la consommation de plantes ou de champignons hallucinogènes) entrent dans le cadre d’états hystériques ou dépressifs, ou bien de psychoses délirantes, aiguës ou chroniques. Mais leur mythomanie, leurs affabulations, leurs discours naïfs, confus ou incohérents sont expliqués par une pseudo-alliance avec le diable. »
A partir de la renaissance, il y a une lutte entre la conception médicale de la folie et la conception diabolique. Au XVIème siècle, Thomas Platter dit le jeune, chevrier illettré, s'emploie à classer les maladies mentales. Il  consacre beaucoup de son temps à aller dans les prisons, où sont enfermés de nombreux malades mentaux. Il considère que la plupart des maladies mentales sont dues à des lésions du cerveau mais estime que les fantasmes sexuels sont dus à l’intervention du diable ou d’un châtiment de Dieu. On oscille donc toujours entre une explication rationnelle et médicale et une explication religieuse. Durant cette période, apparaissent quelques grands médecins humanistes qui s'insurgent contre la pratique du bûcher appliquée aux Fous, comme Jean Wiez et Juan Vives.
Au XVlème siècle, les indésirables de la société se sont multipliés : les miséreux, les chômeurs ; l'urbanisation crée une population errante en croissante augmentation. Il s'agit d'un phénomène qui s'étend à toute l'Europe : les idées de l'époque ne s'orientent pas vers la charité mais vers l'enfermement des indigents. Certaines maisons d'enfermement se spécialisent, comme Charenton ou le Bon Sauveur à Caen.
Le XVIIème siècle, est considéré comme l’âge de la raison et de l’observation puisque que ce siècle a développé la tradition empirique et permis une approche plus réaliste de la psychiatrie que cela ne se faisait auparavant : les maladies mentales ont aussi été détachées un peu plus de la superstition et des erreurs doctrinales. Cependant, l'enfermement, est toujours aussi courant ; dans les maisons d'internement se côtoient les fous, les vénériens, les débauchés, les criminels, les libertins et les homosexuels, la prétendue lie de la société, en bref tous ceux considérés par l'age classique comme pervers et indésirables. C'est donc surtout la morale, qui régit ces emprisonnements, plus que le désir de soigner. L'hôpital Général de 1656 est le rassemblement de tout les établissements de Paris. La folie, à cette époque est un scandale : le fou a choisi la déraison, c'est-à-dire l'animalité en l'homme. Ainsi, l'homme sain, prend peur, craignant d'être pris pour fou, ce qui explique qu'il n'y ait pas à l'âge classique de littérature de la folie.




Définition et Expression




 
La folie est dérivée de « lira », le sillon, de sorte que « deliro » signifie proprement s’écarter du sillon, du droit chemin de la raison. On ne peut vraisemblablement pas donner une définition correcte de la folie. En effet, comment caractériser cette maladie que personne ne comprend vraiment, dont tout le monde a peur et qui fascine. Car la folie est d’abord une maladie, même si on la considère comme n’étant Rien, comme un simple discours délirant où ne se manifestent que le vide et le néant de l’erreur.
Les psychiatres la considèrent comme étant pour chacun de nous, une tentation et un danger permanents, et si elle nous effraie tant c’est parce qu’elle réactive notre propre refoulé. L’inquiétude devant la déraison s’accompagne d’une peur spécifique mais également d’une attirance de la folie.
Le XIXe siècle est l’âge d’or de l’aliénisme car les psychiatres et la population ont peur du fou.
Mais la folie n’est pas uniquement une maladie comme le dit la psychiatrie. Les discours savants ont toujours dit du fou que c’est un raté de la forme personnelle normale équilibrée et correcte, mais cela laisse entendre que le fou est un « raté de l’espèce ».
Plus encore, si l’on devait utiliser une métaphore, on pourrait dire que les fous ont grandi avec, toujours présente à l’esprit une « carte », n’ayant que de très lointains rapports avec le monde qu’ils allaient découvrir ; cette carte déformée, les amenant à se comporter de façon étrange.

Les hommes ont peur de la folie mais s’en inspirent.

Le Horla, de Guy de Maupassant est un roman fantastique du XIXe siècle. Dans ce roman écrit sous la forme d’un journal intime, le narrateur se sent dominé par une force qu’il ne peut voir, ni toucher. Le Horla le terrasse la nuit et boit son verre. Le narrateur finira par mettre le feu à sa maison, comme la seule issue possible. Le héros devient fou.

On peut aussi considérer le surréalisme comme une expression artistique de la folie.
Mouvement artistique qu’André Breton définit comme « un automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »

                                    Dessin de Nadja

Dans Nadja d’André Breton, l’écriture surréaliste est telle qu’il faut s’y reprendre à deux fois pour saisir la portée de ses mots. Ce roman autobiographique narre sa rencontre avec une femme qui dit se prénommer Nadja « parce qu'en russe c'est le commencement du mot espérance, et parce que ce n'en est que le commencement »
Lors d’un rendez – vous, Nadja prédit à André Breton, qu’il écrira un jour un livre qui portera son nom. « Je t'assure. Ne dis pas non. Prends garde : tout s'affaiblit, tout disparaît. De nous il faut que quelque chose reste... » A la fin de son roman, Nadja devient folle, et est internée dans l’Essonne. Breton dira de l'institution psychiatrique que l'on « y fait les fous tout comme dans les maisons de correction on fait les bandits. »
Nadja a donné à André Breton un dessin, où figurent un masque rectangulaire « dont elle ne peut rien dire, sinon qu’il lui apparaît ainsi. », une étoile à cinq branches, un crochet, un cœur, et à droite une bourse. Ce dessin est accompagné d’une légende : L’Attente, L’Envie, L’Amour, L’Argent dont les L sont calligraphiés.


                                                                          Dessin fait par Nadja.


Il serait trop long de parler du surréalisme comme un mouvement en tant que tel. C’est plutôt une révolte, aboutissant à un échec. Le monde continue à tourner comme si les surréalistes n’existaient pas. Les manières de penser et de vivre sur lesquelles ils voulaient agir ne sont en rien transformées par leur action.

Ecriture automatique de Paul Eluard et Benjamin Péret : Proverbes mis au goût du jour (1925)

                                                                       Auteurs surréalistes.

                                   Les éléphants sont contagieux.
                          
                                   Quand un œuf casse des œufs, c’est qu’il n’aime                        pas les
                                   omelettes.
                                   Les grands oiseaux font les petites persiennes.
                                   Rincer l’arbre.
                                   Ne fumez pas le Job ou ne fumez pas.
                                   Il faut battre sa mère pendant qu’elle est jeune.
                                   Les cerises tombent où les textes manquent.
                                   Ecraser deux pavés avec la même mouche.
                                   Tuer n’est jamais voler.
                                   Chien mal peigné s’arrache les poils.
                                   Taquiner le corbillard.
                                   Ne grattez pas le squelette de vos aïeux.


                                   Un rêve sans étoiles est un rêve oublié.

Les surréalistes avait des occupations collectives « en chambre » ; les Cadavres Exquis, le Jeu des Questions et des Réponses, Si, Quand.

Enfin dans Le Parfum de Patrick Süskind, le fou est le personnage principal, Jean – Baptiste Grenouille, homme dépourvu de toute émotion, il ne vit que par l’odeur, et n’en possède pas lui-même. Et plus encore, il reconnaît les odeurs presque imperceptibles et a une excellente mémoire olfactive. Jean – Baptiste Grenouille devient fou, car il tombe amoureux de l’odeur fraiche et jeune d’une femme vierge. Pour parvenir à se créer son propre parfum, et donc son identité, il tue des jeunes filles.
Ce parfum qui est sa propre création ne devient malgré tout, pas son odeur propre, et sans but, il revient sur les lieux de sa naissance, et s’asperge du parfum enivrant. Il mourra dépecé, et mangé par ces hommes et femmes attirés par cette odeur celeste et artificielle semblable à celle d’un ange.

Créatrices

Merci d'avoir pris un peu de votre temps pour admirer notre blog.
Créé par Chloé Le Guillard, Mathilde Gérard, Aurélie Guyot et Ksenia Bakouta.

Vision de la Folie





Nous allons désormais découvrir le regard que portait la société sur la folie à partir de la fin du XIIIème siècle, puis nous nous intéresserons plus spécifiquement à deux auteurs du XIXème et XXème siècles, Michel Foucault et Antonin Artaud, qui ont tout deux écrit sur le sujet.

En 1789, la Révolution Française annonce le début d’une préoccupation publique pour les personnes atteintes de troubles mentaux, alors appelées « insensées ». On pense alors que le fou est un être malade qui doit être séparé des vagabonds pour être soigné, et que la folie est curable.

Après la Révolution, en 1810 : Code pénal stipule en son article 64 « (qu’) il n’y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence ». Huit ans plus tard, le Dr Etienne Esquirol, ancien élève de l'Ecole de médecine de Paris, recense dans son rapport neuf établissements exclusivement réservés aux aliénés. En 1834, le Dr Ferrus dénonce les qualités de vie et de traitements des « insensés». En janvier 1837, le ministre de l’Intérieur déclare: « Les malheureux aliénés, tantôt sont jetés dans des cachots pour prévenir les dangers que leur divagation pourrait occasionner, tantôt sont abandonnés sur la voie publique, spectacle digne de pitié, qui offense à la fois l’humanité, l’ordre social et les bonnes mœurs ».

En effet, ce n’est qu’au XIXème siècle que la folie est assimilée à une « maladie mentale », avec la reconnaissance de la psychiatrie en tant que science. La folie est alors sensée être expliquée par des lésions cérébrales, c’est-à-dire par la destruction plus ou moins étendue du tissu nerveux, entrainant un déficit au niveau du cerveau. Elle est ainsi réduite à une dégénérescence, à une déficience héréditaire. La folie est alors un peu mieux acceptée par la société, car elle apparait moins dangereuse, en raison de sa toute nouvelle explication scientifique. Psychiatrisée au XIXème , la folie devient « possibilité » au XXème siècle, à savoir produit mélangé de contextes, du « traitement social » et de la « vision romantique ».

En 1961 parait L’Histoire de la folie à l’Age Classique, premier ouvrage théorique de Michel Foucault, philosophe français et auteur en sciences humaines. Cette thèse de doctorat apparait également comme son premier ouvrage important. Il y retrace, à partir du Moyen-âge, les conditions de vie, mais surtout d’exclusion, d’asociaux tels que les lépreux, les hérétiques, les libertins, les homosexuels, les criminels, les schizophrènes… à l’époque tous considérés comme fous. Ces confusions, dues à la peur de la différence, sont évidement la cause de nombreux problèmes quant à la gestion de ces différents cas. Il décrit l’histoire de la folie, les actes d’exclusion et de ségrégation fondés sur cette différence de la «normale », terme que l’on ne peut bien sur pas définir en tant que tel. Foucault défend que, selon lui, il faut considérer le fou comme un être vivant et pensant, comme un sujet situé dans un contexte humain réel: « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou.

M. Foucault
(1926-1984)
                                  
    « Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité, puisque c’est la
    folie qui détient la vérité de la psychologie.» M. Foucault.






                                                                                               







Figure emblématique de l’artiste incompris, Antonin Artaud est un poète, romancier, acteur, dessinateur et théoricien du XXème siècle. Par la poésie, le théâtre, le dessin… il transforme fortement la littérature, le cinéma et le théâtre. L’esthétique d’Arnaud se construit avec un constant rapport au surréalisme, dont il s’inspire d’abord, aux coté d’André Breton, puis qu’il décide de rejeter, expliquant que « (les surréalistes) aiment autant la vie que je la méprise. » La rage de vivre d’Artaud se caractérise en effet plus par la souffrance et l’angoisse incurables, plutôt que la recherche de la beauté et de l’émerveillement propre aux surréalistes. En effet, il souffrait depuis son adolescence, de constants maux de tête, qu’il tente d’atténuer par des injections médicamenteuses diverses. La douleur qui en résulte pèsera sur ses relations, comme sur ses créations. Durant plus de neuf ans, il est interné en asile psychiatrique, où il subira des perpétuelles séries d’électrochocs.

Ces épreuves personnelles l’ont guidé dans beaucoup de ses écrits, et plus particulièrement dans son étude en forme de poème consacrée au peintre Van Gogh, dont la carrière constellée de crises dues à son instabilité mentale finit par le pousser au suicide à l’âge de 37 ans. A travers Van Gogh, le suicidé de la société, Artaud souhaite démontrer que le peintre, tout comme lui, ne sont pas à proprement parlé des fous. Cette soi-disant démence serait selon lui le nom que la société impuissante prête au génie créatif qu’ils possèdent tous deux, et dont elle préfère étouffer le cri. En effet, nul autre qu’Artaud n’a su trouver les mots justes pour décrire les œuvres souvent incomprises de l’artiste peintre. Dans son livre, il s’applique de manière prodigieuse à décrire le tableau Le champ de blé aux corbeaux, peint en 1890, deux jours avant le suicide de Van Gogh.


                                                                  Van Gogh, Le champ de blé aux corbeaux


« Ces corbeaux (…) ouvrent à la peinture peinte, ou plutôt à la nature non peinte la porte occulte d’un au-delà possible, d’une réalité permanente possible. (…) Il n’est pas ordinaire de voir un homme avec, dans le ventre, le coup de fusil qui le tua, fourrer sur une toile des corbeaux noirs avec au-dessous une espèce de plaine livide peut-être, vide en tout cas, où la couleur lie-de-vin de la terre s’affronte éperdument avec le jaune sale des blés.

Mais nul autre peintre que Van Gogh n’aura su comme lui trouver, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffe, ce noir de "gueuleton riche" et en même temps comme excrémentiel des ailes des corbeaux surpris par la lueur descendante du soir.

Et de quoi en bas se plaint la terre sous les ailes des corbeaux fastes, fastes pour le seul Van Gogh sans doute et, d’autre part, fastueux augures d’un mal qui, lui, ne le touchera plus ?

Car nul jusque-là n’avait comme lui fait de la terre ce linge sale, tordu de vin et de sang trempé.
Le ciel du tableau est très bas, écrasé,
violacé, comme des bas-côté de foudre.
La frange ténébreuse insolite du vide montant d’après l’éclair. (…)
Tout le tableau est riche.
Riche, somptueux et calme le tableau.

Digne accompagnateur à la mort de celui qui, durant sa vie, fit tournoyer tant de soleils ivres sur tant de meules en rupture de ban, et qui, désespéré, un coup de fusil dans le ventre, ne sut pas ne pas inonder de sang et de vin un paysage, tremper la terre d’un dernière émulsion, joyeuse à la fois et ténébreuse, d’un goût de vin aigre et de vinaigre taré. (…)

Et qu’a voulu dire Van Gogh lui-même avec cette toile au ciel surbaissé, peinte comme à l’instant précis où il se délivrait de l’existence, car cette toile a une étrange couleur, presque pompeuse d’autre part, de naissance, de noce, de départ,

J’entends les ailes des corbeaux frapper des coups de cymbale forte au-dessus d’une terre dont il semble que Van Gogh ne pourra plus contenir le flot.

Puis la mort. »


A. Artaud
(1896-1948)

« Qui n’a pas été un jour terrifié par cette idée qu’il allait
                                un jour oublier sa vie ? » A. Artaud


Le Saviez- vous ?

Van Gogh, Artaud, Nietzsche, Maupassant, Nerval, Desnos, Hölderlin, Breughel, Bosch, Rousseau, Sade, Goya, Gogol, Kafka, Strindberg... La liste de ces artistes de génie qui ont flirté avec la folie ou qui ont succombé, vaincus par la démence est extrêmement nombreuse. L'on peut alors s'interroger: la folie serait-elle indissociable au génie ?

Les traitements.




Le traitement des malades mentaux en France et la psychiatrie ont été des domaines où l'on a pu constater tant des progrès extrêmement rapides et des changements radicaux, que des périodes de stagnation et de raffinement dans les mêmes stratégies. Ainsi, la naissance de la psychiatrie telle que l’on la connait a débuté en 1818, année où Jean-Etienne Esquirol, aliéniste, présente au Ministre de l’Intérieur de l’époque son ouvrage "Des établissements des aliénés en France et des moyens d'améliorer le sort de ces infortunés", dans lequel il présente l’idée de créer des établissements consacrés uniquement aux soins pour les aliénés, car à l’époque encore ils étaient mélangés aux criminels, aux handicapés, aux pauvres, dans des prisons, des hôpitaux, des hospices, bref, partout où il était possible de les isoler du reste de la population normale. Grâce à lui sera crée en 1838 la loi dite « Loi des Aliénés », qui ordonne la création d'au moins un établissement psychiatrique par département, où les malades seront encadrés par des médecins. Trente-six ans plus tard cependant, ces établissements ne seront plus financés par les autorités départementales, ce qui se traduit par le fait que souvent, les malades ne survivent dans ces établissements que grâce à leur travail.
En effet, les asiles conservent, à l’époque des ressemblances troublantes avec les prisons où étaient auparavant enfermés les patients, que ce même travail obligatoire trahit. Isolations fréquentes de patients dits dangereux dans des cellules individuelles, privation de promenades, menaces, camisoles, et utilisation de sangles de cuir pour attacher les patients à leur lit, 10 heures de travail quotidien, tout cela faisait parti des « traitements » de l’époques sensés ramener l’aliéné dans le droit chemin de la raison, et également rentabiliser l’établissement. Cependant il est important de noter que bien qu’un établissement psychiatrique de l’époque soit géré de la même manière qu’une prison, les scientifiques s’intéressent aux origines de maladies mentales et de la façon de les traiter.

                                           Sigmund Freud.


Ainsi, Freud publie en 1895 avec Bauer « les études sur l’hystérie » qui créent une nouvelle théorie, qui dit que les maladies sont les expressions d’un inconscient agité. Il a donc contribué à la naissance de la psychanalyse et de la psychothérapie fondée sur l’exploration de l’inconscient, l’analyse du transfert, l’interprétation des rêves…etc. Cependant elle ne sera que très progressivement diffusée et mise en pratique dans les établissements. La plupart du temps lui sera privilégiée le traitement physique des malades, qui naîtra en 1917 avec les soins couronnés de succès contre la Paralysie Générale, forme de la syphilis à l’époque vue comme un trouble psychiatrique. Ils consistaient à l’époque en l’inoculation d’une forme bénigne de la malaria. Cette découverte sera suivie en 1932 par la cure insulinique, c'est-à-dire des coma insuliniques provoqués par injection d’insuline pour traiter la schizophrénie, puis encore en 1936 par la convulsivothérapie, qui, en déclenchant une crise d’épilepsie, pourrait soigner les dépressions. En 1938 finalement ,sera inventé par Ugo Cerletti, l’électrochoc qui, soignait les maux des dépressifs en les tuant une fois sur deux.
C’est en 1942, durant la seconde guerre mondiale, qui fit 40 000 victimes dans les asiles français (notamment de faim et de mauvais traitements), que deux psychiatres, François Tosquelles et Lucien Bonnafé, vont introduire de nouveaux rapports au sein des établissements : le travail et les valeurs bourgeoises passent au second plan, alors que seront privilégiées les relations soignant/soigné. C’est là qu’est née la psychothérapie institutionnelle, dont le principal but est de faire de l’asile un établissement qui soigne, plutôt qu’isole, et qui se doit d’éviter d’aliéner les patients plus qu’ils ne le sont déjà en leur imposant la raison ou la désintégration au sein de l’hôpital psychiatrique. On tente alors d’avoir plus recours à la psychothérapie qu’à la répression, et les infirmiers sont véritablement formés aux lieux d’être de simples gardiens. Cependant cette apparente évolution se passe encore à une époque où le neurologue Moniz reçoit le prix Nobel pour ses travaux en psychochirurgie et en angiographie cérébrale, qui conduiront à la création de la lobotomie, la lobectomie et la leucotomie, c'est-à-dire à la destruction partielle du cerveau du malade, qui, bien que vite abandonnées, prouvent que ceux atteints de folie n’avaient pas encore tout à fait gagné le statut de personne à part entière.

De nos jours encore, les méthodes de Tosquelles et Bonnafé sont appliquées dans la plupart des hôpitaux psychiatriques, mais cependant Bonnafé a, après la guerre, milité pour une réforme générale du système de soins et a proposé l’abrogation de la loi de 1838 et l’ouverture de la psychiatrie vers la cité. Ce sont ces théories ultérieures à la psychothérapie institutionnelle qui ont abouti en 1960 à un nouveau genre de traitement dit de « l’antipsychiatrie ». Les sympathisants de ce traitement ont pour idée la disparition progressive des asiles et la remise dans la société des patients, subissant cependant des suivis sévères. Cette théorie serait justifié par l’idée que les asiles ne sont au final que des armes politiques qui isolent le malade de la société pour ne pas qu’il la trouble, et qui ne sont que peu bénéfiques pour le patient lui-même. Selon eux, c’est la société et surtout les familles de malades qui seraient responsables de la plupart des troubles des aliénés, ils proposent donc des thérapies de groupe visant à confronter le patient avec son entourage et déterminer l’origine de son problème plutôt que d’isoler le patient pour le replonger dans un environnement susceptible de réveiller ultérieurement ses troubles. Ainsi, David Cooper, psychiatre sud-africain et fondateur du courant de pensée antipsychiatrique, refuse la nosologie, l’existence d’une maladie en tant que telle, qu’impose le domaine psychiatrique, et préfère laisser le patient régresser de lui-même vers un état archaïque, puis l’accompagner alors remonte de lui-même vers un état de conscience dit normal dans un établissement où il jouit d’une liberté presque complète. Il rencontra de nombreuses réussites notamment en travaillant sur des schizophrènes sur lesquels un tel traitement se révélait bénéfique, mais se frotta surtout à échec en se confrontant aux dogmes psychiatriques au sein de la société actuelle.
Ainsi on peut affirmer que les traitements de la folie n’ont encore que peu d’âge, la psychiatrie n’étant elle-même qu'une discipline assez peu développée et obscure, et que de nombreux efforts peuvent encore être fait afin de comprendre les origines de maladies mentales, et ce que peuvent sentir ceux qui en sont atteints.

Conclusion




La folie ne peut pas vraiment être définie, puisque la définir, ca serait la comprendre et la connaitre parfaitement, ce qui n'est pas le cas. Au cours, des siècles, après l'avoir réprimée et condamnée, on a tenté de la guérir et de l'exprimer ( notamment Guy de Maupassant et les surréalistes ). Cependant même si de nombreux progrès on été faits, grand nombre de mystères restent. Les méandres du cerveau humain, sont toujours à explorer pour vraiment comprendre cet "état", considéré comme une maladie.
C'est pourtant un thème intemporel, puisque chaque société comporte ses fous, et ses aliénés, qu'importe l'époque ou le lieu. Autrefois, c'était un sujet jugé pervers, notamment durant l'époque classique, mais maintenant, nombre d'écrivains, de peintres, ou de réalisateurs tentent d'aborder ce thème d'une immense complexité.  
Récemment, en 2010, est sorti au cinéma Shutter Island., un film de Martin Scorses narrant l'histoire d'un Marshal, Teddy Daniels (interpreté à l'écran par Leonardo DiCaprio), qui en 1954 débarque sur une ile où se trouve un hôpital psychiatrique haute sécurité. Dans ce thriller psychologique, on ne sait jamais où s'arrête la raison, la réalité, et où commence la folie, ce qui fait tout son intérêt, le spectateur ne peut alors qu'émettre des hypothèses ...



Shutter Island - Extrait 2 : "Maintenant on les soigne"