Les traitements.




Le traitement des malades mentaux en France et la psychiatrie ont été des domaines où l'on a pu constater tant des progrès extrêmement rapides et des changements radicaux, que des périodes de stagnation et de raffinement dans les mêmes stratégies. Ainsi, la naissance de la psychiatrie telle que l’on la connait a débuté en 1818, année où Jean-Etienne Esquirol, aliéniste, présente au Ministre de l’Intérieur de l’époque son ouvrage "Des établissements des aliénés en France et des moyens d'améliorer le sort de ces infortunés", dans lequel il présente l’idée de créer des établissements consacrés uniquement aux soins pour les aliénés, car à l’époque encore ils étaient mélangés aux criminels, aux handicapés, aux pauvres, dans des prisons, des hôpitaux, des hospices, bref, partout où il était possible de les isoler du reste de la population normale. Grâce à lui sera crée en 1838 la loi dite « Loi des Aliénés », qui ordonne la création d'au moins un établissement psychiatrique par département, où les malades seront encadrés par des médecins. Trente-six ans plus tard cependant, ces établissements ne seront plus financés par les autorités départementales, ce qui se traduit par le fait que souvent, les malades ne survivent dans ces établissements que grâce à leur travail.
En effet, les asiles conservent, à l’époque des ressemblances troublantes avec les prisons où étaient auparavant enfermés les patients, que ce même travail obligatoire trahit. Isolations fréquentes de patients dits dangereux dans des cellules individuelles, privation de promenades, menaces, camisoles, et utilisation de sangles de cuir pour attacher les patients à leur lit, 10 heures de travail quotidien, tout cela faisait parti des « traitements » de l’époques sensés ramener l’aliéné dans le droit chemin de la raison, et également rentabiliser l’établissement. Cependant il est important de noter que bien qu’un établissement psychiatrique de l’époque soit géré de la même manière qu’une prison, les scientifiques s’intéressent aux origines de maladies mentales et de la façon de les traiter.

                                           Sigmund Freud.


Ainsi, Freud publie en 1895 avec Bauer « les études sur l’hystérie » qui créent une nouvelle théorie, qui dit que les maladies sont les expressions d’un inconscient agité. Il a donc contribué à la naissance de la psychanalyse et de la psychothérapie fondée sur l’exploration de l’inconscient, l’analyse du transfert, l’interprétation des rêves…etc. Cependant elle ne sera que très progressivement diffusée et mise en pratique dans les établissements. La plupart du temps lui sera privilégiée le traitement physique des malades, qui naîtra en 1917 avec les soins couronnés de succès contre la Paralysie Générale, forme de la syphilis à l’époque vue comme un trouble psychiatrique. Ils consistaient à l’époque en l’inoculation d’une forme bénigne de la malaria. Cette découverte sera suivie en 1932 par la cure insulinique, c'est-à-dire des coma insuliniques provoqués par injection d’insuline pour traiter la schizophrénie, puis encore en 1936 par la convulsivothérapie, qui, en déclenchant une crise d’épilepsie, pourrait soigner les dépressions. En 1938 finalement ,sera inventé par Ugo Cerletti, l’électrochoc qui, soignait les maux des dépressifs en les tuant une fois sur deux.
C’est en 1942, durant la seconde guerre mondiale, qui fit 40 000 victimes dans les asiles français (notamment de faim et de mauvais traitements), que deux psychiatres, François Tosquelles et Lucien Bonnafé, vont introduire de nouveaux rapports au sein des établissements : le travail et les valeurs bourgeoises passent au second plan, alors que seront privilégiées les relations soignant/soigné. C’est là qu’est née la psychothérapie institutionnelle, dont le principal but est de faire de l’asile un établissement qui soigne, plutôt qu’isole, et qui se doit d’éviter d’aliéner les patients plus qu’ils ne le sont déjà en leur imposant la raison ou la désintégration au sein de l’hôpital psychiatrique. On tente alors d’avoir plus recours à la psychothérapie qu’à la répression, et les infirmiers sont véritablement formés aux lieux d’être de simples gardiens. Cependant cette apparente évolution se passe encore à une époque où le neurologue Moniz reçoit le prix Nobel pour ses travaux en psychochirurgie et en angiographie cérébrale, qui conduiront à la création de la lobotomie, la lobectomie et la leucotomie, c'est-à-dire à la destruction partielle du cerveau du malade, qui, bien que vite abandonnées, prouvent que ceux atteints de folie n’avaient pas encore tout à fait gagné le statut de personne à part entière.

De nos jours encore, les méthodes de Tosquelles et Bonnafé sont appliquées dans la plupart des hôpitaux psychiatriques, mais cependant Bonnafé a, après la guerre, milité pour une réforme générale du système de soins et a proposé l’abrogation de la loi de 1838 et l’ouverture de la psychiatrie vers la cité. Ce sont ces théories ultérieures à la psychothérapie institutionnelle qui ont abouti en 1960 à un nouveau genre de traitement dit de « l’antipsychiatrie ». Les sympathisants de ce traitement ont pour idée la disparition progressive des asiles et la remise dans la société des patients, subissant cependant des suivis sévères. Cette théorie serait justifié par l’idée que les asiles ne sont au final que des armes politiques qui isolent le malade de la société pour ne pas qu’il la trouble, et qui ne sont que peu bénéfiques pour le patient lui-même. Selon eux, c’est la société et surtout les familles de malades qui seraient responsables de la plupart des troubles des aliénés, ils proposent donc des thérapies de groupe visant à confronter le patient avec son entourage et déterminer l’origine de son problème plutôt que d’isoler le patient pour le replonger dans un environnement susceptible de réveiller ultérieurement ses troubles. Ainsi, David Cooper, psychiatre sud-africain et fondateur du courant de pensée antipsychiatrique, refuse la nosologie, l’existence d’une maladie en tant que telle, qu’impose le domaine psychiatrique, et préfère laisser le patient régresser de lui-même vers un état archaïque, puis l’accompagner alors remonte de lui-même vers un état de conscience dit normal dans un établissement où il jouit d’une liberté presque complète. Il rencontra de nombreuses réussites notamment en travaillant sur des schizophrènes sur lesquels un tel traitement se révélait bénéfique, mais se frotta surtout à échec en se confrontant aux dogmes psychiatriques au sein de la société actuelle.
Ainsi on peut affirmer que les traitements de la folie n’ont encore que peu d’âge, la psychiatrie n’étant elle-même qu'une discipline assez peu développée et obscure, et que de nombreux efforts peuvent encore être fait afin de comprendre les origines de maladies mentales, et ce que peuvent sentir ceux qui en sont atteints.