Introduction

« La Raison, c'est la folie du plus fort. La raison du moins fort c'est la folie »
                                                                                      Eugène Ionesco.

Existe t'il des civilisations ou des sociétés, même première, sans fous ? On peut gager que non. En effet, la folie n'existe que par rapport à elles, c'est un fait de civilisation.
La folie désigne, en langage populaire, l'état d'une personne dont le discours, le comportement et/ou les actions ne semblent avoir aucun sens pour l'observateur. Par conséquent, on peut considérer que la vision des fous a évolué au fil des temps, en même temps que notre société.
Aujourd'hui, on considère que la folie concerne les gens victimes d'un « Dérèglement mental », et que c'est une maladie en tant que telle. Cependant cela n'a pas toujours été le cas. Pour en arriver là, il a fallu faire beaucoup de chemin, puisque on a longtemps cru à des punitions divines.
Pour l'homme primitif, la folie est provoquée par des êtres surnaturels invisibles : des mauvais esprits, qui auraient pris possession de la personne. Le comportement anormal du malade s'explique par un sort magique lancé par une tribu adverse. On la guérissait grâce à des incantations, des prières, des menaces contre le démon. 
Plus tard, dans l’antiquité, Pythagore, a été le premier à dire que le cerveau est l’organe de l’intelligence humaine et le siège des maladies mentales. Puis Platon affirme que le principe vital du corps est l’âme. Le conflit existant entre les appétits inférieurs, désordonnés, et les fonctions organisatrices supérieures de la raison, constitue le fondement de la psychologie platonicienne. Cependant, leurs observations s’arrêtent où commence le domaine réservé à la religion. En effet, la folie est toujours imputée aux dieux. Pour les soigner, on les menait au temple, leur prescrivait des saignées, des sangsues, de la racine d'ellébore ( plante herbacée, vermifuge et purgative, qui passait autrefois pour guérir la folie ). Les hébreux apportent une conception religieuse monothéiste, s'inscrivant contre le polythéisme et la magie. La maladie est pour eux la punition des péchés, Bible Deutéronome 28.28 : « Yahvé te frappera de délire, d'aveuglement et d'égarement des sens, au point que tu iras à tâtons en plein midi comme l'aveugle va à tâtons dans les ténèbres, et tes démarches n'aboutiront pas », les prêtres apparaissent ainsi comme des guérisseurs. Cicéron, au Ier siècle avant Jésus Christ, est peut-être le seul auteur de l’Antiquité à avoir exprimé que l’homme est seul responsable de son propre comportement, qu’il soit normal ou morbide. Pour lui, ce n’est pas un dieu qui brouille l’esprit et apporte la maladie, mais bien l’erreur de l’homme lui-même et dont seule la philosophie peut le sauver. 
Puis, au Moyen-âge, viennent les invasions barbares, les problèmes de famines et d’épidémie de peste, l’insécurité généralisée, et bien d’autres malheurs qui ont poussé les hommes à rechercher un réconfort dans les croyances surnaturelles. Le christianisme apporte à l’humanité le message d’espoir qu’elle attendait, et le dogme chrétien prédomine dans tous les domaines de la vie. Mais, au fil des siècles, alors que s’impose le dogmatisme chrétien, se développent la démonologie et l’exorcisme. « Le fou est celui qui dit en son cœur que Dieu n’existe pas », dit le Psaume 53. Le fou, c’est donc l’athée. On finit alors par expliquer les maladies mentales par une possession démoniaque, une manifestation du péché, de l'hérésie et on les envoie au bûcher : « Le diable peut arrêter complètement l’usage de la raison en troublant l’imagination et l’appétit sensible, comme cela se voit chez les possédés », dit saint Thomas d’Aquin. C’est à cette période que se produit l’amalgame entre sorciers, hérétiques et malades mentaux. Dès le XIème siècle, les « sorcières » sont brûlées vives, accusées de rechercher un commerce avec le diable. Or ces prétendues sorcières sont souvent des patientes psychiques, ou du moins des personnes à l’esprit perturbé. Muriel Laharie, auteur française qui a écrit un livre documenté sur la folie au Moyen Âge en dit : « Leurs transes, leurs expériences oniriques et leurs hallucinations (favorisées parfois par la consommation de plantes ou de champignons hallucinogènes) entrent dans le cadre d’états hystériques ou dépressifs, ou bien de psychoses délirantes, aiguës ou chroniques. Mais leur mythomanie, leurs affabulations, leurs discours naïfs, confus ou incohérents sont expliqués par une pseudo-alliance avec le diable. »
A partir de la renaissance, il y a une lutte entre la conception médicale de la folie et la conception diabolique. Au XVIème siècle, Thomas Platter dit le jeune, chevrier illettré, s'emploie à classer les maladies mentales. Il  consacre beaucoup de son temps à aller dans les prisons, où sont enfermés de nombreux malades mentaux. Il considère que la plupart des maladies mentales sont dues à des lésions du cerveau mais estime que les fantasmes sexuels sont dus à l’intervention du diable ou d’un châtiment de Dieu. On oscille donc toujours entre une explication rationnelle et médicale et une explication religieuse. Durant cette période, apparaissent quelques grands médecins humanistes qui s'insurgent contre la pratique du bûcher appliquée aux Fous, comme Jean Wiez et Juan Vives.
Au XVlème siècle, les indésirables de la société se sont multipliés : les miséreux, les chômeurs ; l'urbanisation crée une population errante en croissante augmentation. Il s'agit d'un phénomène qui s'étend à toute l'Europe : les idées de l'époque ne s'orientent pas vers la charité mais vers l'enfermement des indigents. Certaines maisons d'enfermement se spécialisent, comme Charenton ou le Bon Sauveur à Caen.
Le XVIIème siècle, est considéré comme l’âge de la raison et de l’observation puisque que ce siècle a développé la tradition empirique et permis une approche plus réaliste de la psychiatrie que cela ne se faisait auparavant : les maladies mentales ont aussi été détachées un peu plus de la superstition et des erreurs doctrinales. Cependant, l'enfermement, est toujours aussi courant ; dans les maisons d'internement se côtoient les fous, les vénériens, les débauchés, les criminels, les libertins et les homosexuels, la prétendue lie de la société, en bref tous ceux considérés par l'age classique comme pervers et indésirables. C'est donc surtout la morale, qui régit ces emprisonnements, plus que le désir de soigner. L'hôpital Général de 1656 est le rassemblement de tout les établissements de Paris. La folie, à cette époque est un scandale : le fou a choisi la déraison, c'est-à-dire l'animalité en l'homme. Ainsi, l'homme sain, prend peur, craignant d'être pris pour fou, ce qui explique qu'il n'y ait pas à l'âge classique de littérature de la folie.